DIRTY POLITICS #6 - Mes amis, mes amours, mes emmerdes - La Newsletter hebdo de Philippe Moreau Chevrolet
DIRTY POLITICS #6
MES AMIS, MES AMOURS, MES EMMERDES
"J't'emmerde, j't'emmerde, j't'emmerde !". C'était le refrain du single culte de MC Jean Gab'1, sobrement intitulé "J't'emmerde", où Il clashait l'ensemble des autres rappeurs français. Avec une mention spéciale pour: "Booba, Booba, mon petit ourson", où cet ancien braqueur et champion de France de Street workout, imitait... Chantal Goya. Vous ne vous intéressez pas au rap ? Vous avez tort. Le rap est devenu le genre musical dominant en France. Le plus écouté, le plus lucratif. Avec un renouvellement démographique sans équivalent. "Clasher", c'est un peu ce qu'a fait Emmanuel Macron cette semaine, avec une minorité de Français, les non-vaccinés.
La technique utilisée par le Président dans Le Parisien a été théorisée par le conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, dans un entretien avec le journaliste américain Michael Lewis: "La véritable opposition, ce sont les médias. Et la façon de traiter avec eux est d'inonder la zone de merde." Pour l'emporter, Donald Trump devait "troller depuis la tribune". Cette technique populiste se double ici d'une seconde: désigner une minorité de la population comme responsable des problèmes de la majorité. Emmanuel Macron va très loin dans cette direction, puisqu'il affirme: "Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen." Peu de coups médiatiques peuvent surpasser celui d'un Président de la République en exercice expliquant qu'il "emmerde" une partie de la population, dans un média populaire. Et qualifiant cette minorité de "non citoyenne".
Comme je l'ai expliqué sur le plateau de TPMP, Emmanuel Macron se replace au centre de l'attention, à la veille des sondages - qui seront très regardés - de janvier / février. Il éclipse à la fois l'annonce du dépassement du seuil historique des 300 000 cas par jour, et le fiasco de la rentrée scolaire, qui a vu un auditeur en larmes prendre à partie Gabriel Attal sur France Inter. Il place au second plan la droite traditionnelle, qui commençait à l'attaquer sur le terrain de la COVID-19, et relance son clivage avec l'extrême-droite. Où se situent le gros des troupes des "antivax". Ici, dans les coulisses de TPMP avec Olivier Beaumont (à droite) et Théo Macel (à gauche).
C'est bien pensé, bien exécuté, mais est-ce porteur électoralement ? Les avis sont partagés. Comme me le résume par Whatsapp un spécialiste de l'opinion, "ce sont chez les vieux et chez les LR que les électeurs ont été le moins choqués. D’ailleurs de manière générale, une petite moitié des français n’est pas choquée, c’est beaucoup après une déclaration comme celle-là. Ce qui témoigne d’un vrai ressentiment contre les non-vaccinés". Il s'appuie sur un sondage Elabe: 53% des Français ont été choqués, 47% non. Les "choqués" se recrutent surtout à gauche (62%) et au RN (65%). Les "pas choqués" chez LREM (84%) et à droite (54%). Le désaccord diminue avec l'âge: 70% des 18-24 ans sont "choqués", contre 43% des 65 ans et plus.
La technique d'Emmanuel Macron s'apparente, aussi, à du "Dog Whistling": une technique pour remobiliser le noyau dur de ses électeurs. Il passe ainsi du statut de "Président de tous les Français" à celui de "candidat d'une majorité". Une mue sans doute nécessaire. Le souci étant... la cohérence. Car il casse l'image apaisante qu'il avait construite à Noël. Soit il y a quelques jours seulement. Comme le confie un ami politologue en DM: "Sur le plan de l'efficacité politique, il est clair que ça va droit au but de cliver, et de tenter de faire renaître le héros de la disruption. Mais pour incarner le renouveau démocratique c'est autre chose. Ça bloqué toute communication crédible sur le thème "j'ai appris, on ne doit pas humilier l'adversaire etc."
Du côté de LREM, on fait valoir les arguments suivants. Les non-vaccinés sont, bel et bien, responsables de la tension hospitalière. Les lecteurs du Parisien, auxquels le président répondait, n'ont pas été choqués. Le président est "au diapason" des Français, et même des soignants. On reproche à Emmanuel Macron d'infantiliser les électeurs. Là, non. Enfin, qu'y-a-t-il de plus citoyen que de lutter par tous les moyens contre l'influence des "antivax" ? La crainte est, bien sûr, que cet épisode ne recouvre la totalité de l'oeuvre macronienne. Comme pour MC Jean Gab'1. Sur le même album que "J't'emmerde", le rappeur avait signé le magnifique "Enfant de la DDASS". Un plaidoyer contre l'enfance maltraitée, qui était totalement passé au second plan. Toute la complexité de la position actuelle d'Emmanuel Macron est résumée par ce même, qui circule beaucoup sur Whatsapp.
Trois petites choses pour conclure...
Comme le fait remarquer l'économiste Alexandre Delaigue tout ceci n'est pas du "Nudge". Le Nudge est "bienveillant", "transparent" et "aisément contournable".
Insulter les non vaccinés peut, aussi, renforcer leur attitude et faire échec à la politique sanitaire. C'est le point de vue de l'ex Directeur Général de la Santé, William Dab. L'Elysée, de son côté, fait valoir le surplus de vaccinations, modeste mais réel, après l'intervention du Chef de l'Etat.
J'en profite pour vous signaler que je démarre une nouvelle collaboration, avec Yahoo France, pour décrypter les grands enjeux de la présidentielle.
#BLOC-NOTES
Baba vs Méluche
Cyril Hanouna poursuit son OPA sur la présidentielle avec un débat avec Jean-Luc Mélenchon, selon la même formule qu'avec Eric Zemmour. Je vous en reparlerai prochainement.
La lune de miel
"Eric Zemmour. En pleine lune de miel avec Sarah !". A tous ceux qui m'interrogeraient sur la futilité de ce sujet, je répondrai que le couple Macron a "fait" pas moins de 6 couvertures de Paris Match au cours de l'année 2016 - 2017. Avec l'aide de la "reine des paparazzi" Mimi Marchand, qui a conseillé à Brigitte Macron d'assumer son âge et de poser... en maillot de bain. Paris Match, c'est aussi un moyen de contourner la loi qui, en France, interdit pratiquement l'affichage politique. La couverture du magazine est placardée dans la quasi totalité des kiosques de France dès sa sortie. Sarah Knafo est, par ailleurs, la principale conseillère d'Eric Zemmour. Tout comme Brigitte Macron était la véritable spin doctor de la campagne de 2017. La présidentielle est bien plus une affaire de couple qu'une aventure personnelle.
On note cette jolie expression attribuée à Ludovic Vigogne, de l'Opinion, par Aurélie Herbemont, croisée sur Europe 1 l'année dernière dans l'émission de Wendy Bouchard et désormais sur RTL : la "crazydentielle".
La crazydentielle, c'est Julien Bayou qui surfe sur la promo du nouveau "Matrix" - et la tendance dystopique de ce cru 2022 - pour proposer une pilule verte sur Instagram
Julien Bayou risque d'être déçu... Tout le monde ne semble vouloir avaler la pilule. Keanu Reeves confie cette histoire à The Verge. Pendant sa promo, il raconte à une ado l'intrigue de Matrix: "C'est un type qui vit dans une sorte de monde virtuel, et qui découvre qu'il y a un vrai monde. Il s'interroge sur ce qui est réel et sur ce qui ne l'est pas." Et l'ado répond: "Pourquoi ?". "Mais ce n'est pas important pour toi de savoir ce qui est réel ou pas ?", lui demande Keanu Reeves, atterré. Réponse, OKLM: "Non".
Le dessin de la semaine est signé par Thibaut Soulcié pour Télérama. Il dit tout des effets négatifs du double langage en matière sanitaire. Dernier exemple en date : la "bulle sanitaire" théorisée par la ministre Roxana Maracineanu, qui pourrait permettre aux "sportifs non vaccinés" de "participer aux grandes compétitions". Que croire ? Que la vaccination est impérative, ou qu'elle est une question de convenance ? Et si on parlait un langage "concis, aimable et simple", comme tente le dire un des héros du film anti-complotiste Don't look up: celui de la science ?
Pour la prochaine newsletter, j'aimerais beaucoup connaître votre avis sur Don't Look Up ! Si vous l'avez vu, ce que vous en avez pensé... Pour m'en parler, écrivez à l'adresse dirtypolitics.hebdo@gmail.com
Bonne semaine à tous !