DIRTY POLITICS - Le retour du politique - La Newsletter hebdo de Philippe Moreau Chevrolet - Numéro #16
dirtypolitics.substack.com
Un jour de la campagne présidentielle 2022, j'ai arrêté d'écrire. A la demande de l'économiste Nicolas Bouzou, j'ai signé une pétition dans le JDD, pour appeler à voter pour Emmanuel Macron au second tour, contre Marine Le Pen. Et puis, j'ai décroché. Pourquoi ?Parce que la campagne présidentielle n'avait pas eu lieu. Parce que mille élections "contre" ne remplaceront jamais une seule élection "pour". "Pour" un projet et pas "contre" un candidat ou une candidate.La dernière "vraie" campagne présidentielle française, qui ne soit pas pour "dégager" Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen, remonte à... 2007. Depuis, nous avons connu une décennie de vide, où le même schéma s'est répété. Aux promesses d'ouverture des débuts ont succédé de grands renfermements. Le mariage pour tous de 2012 a cédé la place à la déchéance de la nationalité de 2015. Le "en même temps" de 2017 a été suivi du "s'il n'y avait plus de problème d'immigration en France, il n'y aurait plus de Front national" de 2022.Qu'Emmanuel Macron n'ait pas de boussole politique, en dehors d'une nécessaire adaptation du pays aux contraintes de la mondialisation, avec l'Europe comme "boîte à outils", était clair dès le départ. C'est d'ailleurs ce qui a séduit l'élite française dans sa démarche. Avec la crainte, sinon, d'emménager dans une sorte d'arrière-pays de la modernité.Mais, concernant François Hollande, le seul leader de gauche à disposer d'un pouvoir aussi étendu - Elysée, Assemblée Nationale, Sénat, régions, grandes municipalités - dans toute l'histoire de la Cinquième République, le choix d'une radicalisation identitaire en fin de mandat n'allait pas de soi.Comme dans un épisode du Prisonnier, où le héros tourne en rond dans un village Potemkine, la France part du RN pour revenir au RN.Que retenir de ce long hiver politique ? La présidentielle 2022 aurait dû être un moment de résolution, de dialogue, de bilan, ou de redémarrage. Il n'en a rien été. L’image qui la clôture, celle d’un dirigeant politique avançant sur une place publique entouré d’enfants, ne « dit » rien. Elle rappelle le réalisme socialiste. Emmanuel Macron restera comme l’inventeur du « réalisme libéral ». Mais en dehors d’explorer un registre iconographique relativement inédit dans la politique française, et pas nécessairement le meilleur, qu’exprime-t-elle ? Sinon du vide. J'en étais là, KO, engourdi, quand j'ai ressenti comme le début d'un réveil. Le réveil d'une politique dont on m'avait amputé. Les élections législatives ont sorti la démocratie de son hiver. Oui, le RN a connu une poussée. Oui, la NUPES n'est pas la gauche de gouvernement respectable dont rêve la gauche modérée. Elle est aussi hyperactive que mes jumeaux de 7 ans après qu'ils ont mangé leurs bonbons d'Halloween. Mais... Ils dialoguent. Ils s'engueulent et gouvernent ensemble. Ensemble. Les lois ne sont plus annoncées sur BFMTV le matin et votées le soir. Elles doivent être négociées.Certes, tout n'est pas parfait. Gaspard Koenig, Aurélien Tâché ou David Lisnard ont raison, chacun dans son style, de demander une évolution du régime, la fin du 49.3 ou, concernant le dernier, davantage de sobriété et de responsabilité en politique. Mais nous avons retrouvé une dispute commune. Comme l'explique souvent le politologue et ami Stéphane Rozès, avoir une dispute commune est aussi ce qui nous rassemble, en tant que Français. J'ai recommencé à écrire.
DIRTY POLITICS - Le retour du politique - La Newsletter hebdo de Philippe Moreau Chevrolet - Numéro #16
DIRTY POLITICS - Le retour du politique - La…
DIRTY POLITICS - Le retour du politique - La Newsletter hebdo de Philippe Moreau Chevrolet - Numéro #16
Un jour de la campagne présidentielle 2022, j'ai arrêté d'écrire. A la demande de l'économiste Nicolas Bouzou, j'ai signé une pétition dans le JDD, pour appeler à voter pour Emmanuel Macron au second tour, contre Marine Le Pen. Et puis, j'ai décroché. Pourquoi ?Parce que la campagne présidentielle n'avait pas eu lieu. Parce que mille élections "contre" ne remplaceront jamais une seule élection "pour". "Pour" un projet et pas "contre" un candidat ou une candidate.La dernière "vraie" campagne présidentielle française, qui ne soit pas pour "dégager" Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen, remonte à... 2007. Depuis, nous avons connu une décennie de vide, où le même schéma s'est répété. Aux promesses d'ouverture des débuts ont succédé de grands renfermements. Le mariage pour tous de 2012 a cédé la place à la déchéance de la nationalité de 2015. Le "en même temps" de 2017 a été suivi du "s'il n'y avait plus de problème d'immigration en France, il n'y aurait plus de Front national" de 2022.Qu'Emmanuel Macron n'ait pas de boussole politique, en dehors d'une nécessaire adaptation du pays aux contraintes de la mondialisation, avec l'Europe comme "boîte à outils", était clair dès le départ. C'est d'ailleurs ce qui a séduit l'élite française dans sa démarche. Avec la crainte, sinon, d'emménager dans une sorte d'arrière-pays de la modernité.Mais, concernant François Hollande, le seul leader de gauche à disposer d'un pouvoir aussi étendu - Elysée, Assemblée Nationale, Sénat, régions, grandes municipalités - dans toute l'histoire de la Cinquième République, le choix d'une radicalisation identitaire en fin de mandat n'allait pas de soi.Comme dans un épisode du Prisonnier, où le héros tourne en rond dans un village Potemkine, la France part du RN pour revenir au RN.Que retenir de ce long hiver politique ? La présidentielle 2022 aurait dû être un moment de résolution, de dialogue, de bilan, ou de redémarrage. Il n'en a rien été. L’image qui la clôture, celle d’un dirigeant politique avançant sur une place publique entouré d’enfants, ne « dit » rien. Elle rappelle le réalisme socialiste. Emmanuel Macron restera comme l’inventeur du « réalisme libéral ». Mais en dehors d’explorer un registre iconographique relativement inédit dans la politique française, et pas nécessairement le meilleur, qu’exprime-t-elle ? Sinon du vide. J'en étais là, KO, engourdi, quand j'ai ressenti comme le début d'un réveil. Le réveil d'une politique dont on m'avait amputé. Les élections législatives ont sorti la démocratie de son hiver. Oui, le RN a connu une poussée. Oui, la NUPES n'est pas la gauche de gouvernement respectable dont rêve la gauche modérée. Elle est aussi hyperactive que mes jumeaux de 7 ans après qu'ils ont mangé leurs bonbons d'Halloween. Mais... Ils dialoguent. Ils s'engueulent et gouvernent ensemble. Ensemble. Les lois ne sont plus annoncées sur BFMTV le matin et votées le soir. Elles doivent être négociées.Certes, tout n'est pas parfait. Gaspard Koenig, Aurélien Tâché ou David Lisnard ont raison, chacun dans son style, de demander une évolution du régime, la fin du 49.3 ou, concernant le dernier, davantage de sobriété et de responsabilité en politique. Mais nous avons retrouvé une dispute commune. Comme l'explique souvent le politologue et ami Stéphane Rozès, avoir une dispute commune est aussi ce qui nous rassemble, en tant que Français. J'ai recommencé à écrire.